Si beaucoup associent aujourd’hui la musique country noire à "Old Town Road" de Lil Nas X, sorti en 2018, les artistes noirs ont pourtant marqué ce genre depuis ses débuts dans les années 1920. De l’instrumentation à l’écriture des chansons, leur influence est essentielle, bien que souvent occultée. Avec "Cowboy Carter", Beyoncé remet cette histoire en lumière, bouscule les barrières du genre et redonne à la country noire la place qu’elle mérite. Alors que de plus en plus d’artistes noirs émergent sur la scène country, l’espoir d’une représentation plus juste et plus inclusive grandit.
Parcourez cette galerie et plongez dans l’histoire méconnue des pionniers noirs qui ont façonné la musique country.
La musique country doit beaucoup aux traditions afro-américaines, qu'il s'agisse de son instrumentation ou de ses thématiques. Pourtant, pendant des décennies, l’influence des artistes noirs a été passée sous silence, voire effacée de son histoire.
Pilier de la musique country, le banjo puise ses racines dans les luths d’Afrique de l’Ouest, apportés en Amérique par les populations réduites en esclavage. Au fil du temps, cet instrument a été assimilé aux traditions musicales blanches, éclipsant ainsi son héritage africain.
Précurseur de la country, la musique hillbilly s’est façonnée à travers les "spirituals" noirs, les chants de travail et les hymnes religieux afro-américains. Bien que souvent invisibilisées, ces influences restent au cœur de l’ADN de la country moderne.
L’influence des musiciens noirs sur la country est souvent éclipsée, mais indéniable. Dès les années 1920, le guitariste de blues Lesley Riddle a joué un rôle clé dans le développement du genre, inspirant la Carter Family, considérée comme la "première famille de la country".
Entre 1924 et 1932, près de 50 musiciens noirs ont figuré sur des disques hillbilly commerciaux, témoignant de la diversité originelle du genre, bien loin de l’image homogène qu’on lui a longtemps attribuée.
Dans les années 1920, les maisons de disques ont instauré une séparation stricte : d’un côté, les hillbilly records destinés au public blanc, de l’autre, les race records pour les auditeurs noirs. Une classification arbitraire qui a contribué à ancrer les divisions raciales dans l’industrie musicale.
Malgré la ségrégation raciale, des collaborations comme l’enregistrement de Blue Yodel Number 9 en 1929 par Jimmie Rodgers et Louis Armstrong témoignent des liens profonds entre la country, le blues et le jazz.
Dans les années 1930, Hank Williams s’est formé auprès du guitariste noir Rufus "Tee Tot" Payne, tandis que des décennies plus tard, Johnny Cash puiserait son inspiration chez le musicien noir Gus Cannon (en photo). Ces échanges illustrent l’influence déterminante des artistes noirs dans l’évolution de la country.
Lesley Riddle, Rufus Payne et Arnold Schultz ont profondément marqué la musique country, mais leur héritage a été éclipsé par les artistes blancs qu’ils ont influencés, comme A.P. Carter et Hank Williams (en photo).
DeFord Bailey, harmoniciste noir, a été l’un des premiers artistes à se produire sur la scène mythique du Grand Ole Opry. Son talent a contribué à faire de Nashville la capitale de la country, même si son rôle a été minimisé par la suite.
Bien qu’il ait été un pionnier du Grand Ole Opry, DeFord Bailey a été écarté en 1941. Il a passé le reste de sa vie à cirer des chaussures, un destin tragique au regard de l’héritage qu’il avait contribué à bâtir.
Le Grand Ole Opry est une émission de radio et une série de concerts emblématique de la musique country, basée à Nashville. Fondé en 1925, il a mis en lumière les plus grandes stars du genre et a joué un rôle clé dans son évolution.
Linda Martell, première femme noire à se produire en solo au Grand Ole Opry, a ouvert la voie aux artistes country noires d’aujourd’hui, qui continuent de repousser les frontières du genre.
Grâce au travail de Rhiannon Giddens, Dom Flemons et Justin Robinson, les racines africaines du banjo et son rôle central dans la musique folk noire des débuts sont désormais mieux reconnus, remettant en question les idées reçues sur les origines de la country.
Charley Pride et Darius Rucker ont brisé les barrières raciales en devenant deux des premières superstars noires de la country. Leur succès a ouvert la voie à d’autres artistes noirs dans une industrie longtemps marquée par l’exclusion.
De nombreux artistes noirs, tous genres confondus, se sont approprié la musique country. Bien avant que Beyoncé ne s’y aventure, des légendes comme Ray Charles, Tina Turner et Bobby Womack avaient déjà enregistré des albums country, prouvant que ce genre leur appartient autant qu’à d’autres.
Des artistes contemporains de rap et de R&B comme Ludacris, LL Cool J, Nelly et Snoop Dogg ont collaboré avec des stars de la country, illustrant la porosité des genres et leur évolution constante.
Malgré des liens historiques profonds, les artistes et les fans noirs ont souvent été perçus comme étrangers à la musique country. Une idée reçue largement entretenue par le verrouillage de l’industrie et les biais raciaux.
L’industrie de la musique country a longtemps résisté à la diversité. L’exclusion des artistes noirs des ondes, les restrictions d’accès aux classements et la présence de drapeaux confédérés lors de festivals ont contribué à freiner l’inclusivité.
Les artistes noirs de la country ne se limitent plus à quelques superstars. Une nouvelle génération de talents émergents, comme Dalton Dover, Michael Warren et Aaron Vance (en photo), redéfinit les sonorités du genre.
Des artistes comme Breland, Willie Jones (en photo) et Tanner Adell fusionnent la country avec des influences trap et R&B. Cette évolution témoigne de la transformation constante du paysage sonore de la musique country.
La chanteuse et autrice-compositrice Reyna Roberts mêle country, rock et pop, un style éclectique qu’elle attribue aux influences musicales variées de son enfance.
Avec son single "Buckle Bunny" sorti en 2023, Tanner Adell incarne à merveille la fusion entre trap et country. Son succès grandissant et l’augmentation de ses écoutes reflètent l’engouement croissant pour une musique country moderne et audacieuse.
Après la sortie de "Cowboy Carter" par Beyoncé, des artistes country noires comme Reyna Roberts et Tanner Adell ont connu une forte hausse de leur engagement sur les réseaux sociaux et de leurs écoutes en streaming.
L’album country de Beyoncé a suscité des critiques de la part des conservateurs, qui ont remis en question sa légitimité dans le genre. Certains l’ont accusée de manquer d’authenticité, tandis que d’autres rejettent catégoriquement l’évolution vers une country plus diversifiée.
"Cowboy Carter" est entré dans l’histoire en remportant le Grammy du meilleur album country en 2025, faisant de Beyoncé la première femme noire à recevoir cette distinction, et repoussant ainsi les frontières du genre.
De nouvelles stars noires de la country, comme Lil Nas X, Kane Brown et Jimmie Allen, marquent un retour aux racines diversifiées du genre, bousculant les exclusions raciales ancrées dans l’industrie.
Sources: (National Geographic) (Time) (PBS)
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Le rôle méconnu des artistes noirs dans la musique country
Une influence essentielle trop longtemps occultée
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Si beaucoup associent aujourd’hui la musique country noire à "Old Town Road" de Lil Nas X, sorti en 2018, les artistes noirs ont pourtant marqué ce genre depuis ses débuts dans les années 1920. De l’instrumentation à l’écriture des chansons, leur influence est essentielle, bien que souvent occultée. Avec "Cowboy Carter", Beyoncé remet cette histoire en lumière, bouscule les barrières du genre et redonne à la country noire la place qu’elle mérite. Alors que de plus en plus d’artistes noirs émergent sur la scène country, l’espoir d’une représentation plus juste et plus inclusive grandit.
Parcourez cette galerie et plongez dans l’histoire méconnue des pionniers noirs qui ont façonné la musique country.