Dès 1918, Lénine (sur cette photo) et Léon Trotski (1879-1940) ont évoqué l'idée de créer des camps de concentration, principalement en Sibérie, pour les ennemis de classe.
Il ne s'agissait pas de quelque chose de nouveau. En effet, l'exil forcé vers la Sibérie était pratiqué depuis le 17ème siècle pour un large éventail de délits, et constituait une punition courante pour les dissidents politiques et les révolutionnaires. Sakhaline, une grande île au large de la côte pacifique de la Sibérie, était une prison notoire, utilisée pour incarcérer les personnes condamnées pour les crimes les plus graves. Cette photo datant de 1890 montre des prisonniers en cage, sur le pont d'un bateau à vapeur en route pour l'île.
Les prisonniers envoyés à Sakhaline devaient effectuer des travaux forcés dans des conditions difficiles, une catégorie de punition connue sous le nom de katorga. On voit ici un détenu enchaîné lors de son arrivée dans l'une des stations gouvernementales de l'île.
On pouvait trouver des hommes comme des femmes à Sakhaline. Sur cette photo rare, l'arnaqueuse connue sous le nom de Sonya Golden Hand est maintenue par des chaines, à son arrivée sur l'île. Reconnue coupable de vol, elle est exilée dans la colonie pour une période indéterminée. En 1890, elle a rencontré le dramaturge russe Anton Tchekhov, qui visitait l'île dans le cadre de ses recherches sur la réforme des prisons, et a décrit l'incident dans son livre "L'Île de Sakhaline".
La Sibérie avait depuis longtemps acquis sa redoutable réputation de lieu de punition. Mais c'est en 1920 que le premier camp modèle du futur système du Goulag a été créé, sur les îles Solovki, dans la région de la mer Blanche. Il s'appelait Solovki et était logé, ironiquement, dans le bâtiment d'un monastère.
Les premiers prisonniers à être arrivés dans ce camp étaient les opposants politiques aux Bolcheviks. Peu après, les îles Solovki sont devenues le centre du système de camps dans le nord de la Russie.
En 1923, l'île comptait environ 3 000 prisonniers. 7 ans plus tard, en 1930, ce nombre était passé à près de 50 000. Le travail forcé comme "méthode de rééducation" était appliqué dans le camp de prisonniers de Solovki. Un système notoire de "mangez comme vous travaillez" a été mis en place, selon lequel les rations alimentaires des détenus devaient être liées à leur taux de production, une proposition connue sous le nom d'échelle alimentaire. Cette politique a tué les prisonniers les plus faibles en quelques semaines. La photo montre un concert réalisé dans la prison, probablement organisé à des fins de propagande.
En 1929, Staline a annoncé un programme d'industrialisation rapide et des plans quinquennaux. L'année suivante, le Goulag était officiellement établi, créant ainsi un réseau unifié de camps pour remplacer le double système carcéral existant pour les ennemis de classe et les criminels.
Les travaux ont débuté en 1931, et près de 126 000 prisonniers ont été rassemblés pour créer ce qui allait devenir la première voie navigable au monde, construite par le travail des prisonniers.
La décision d'utiliser le travail forcé tout au long de la construction du canal était fondée sur des considérations économiques, entre autres. Les prisonniers n'étaient pas payés, et le logement (photo) était sommaire. Aussi, la surpopulation était monnaie courante, et les maladies très répandues.
Les installations hospitalières étaient limitées, et les soins généraux lamentables. Pendant ce temps, le nombre de prisonniers continuait d'augmenter. Au milieu de l'année 1931, 2 % (1 438 personnes) du nombre annuel moyen de prisonniers, étaient morts. Le taux de mortalité a augmenté vers la fin de l'année en raison de l'augmentation des pertes industrielles et de la détérioration de l'approvisionnement alimentaire.
Bien que les camps de travail des prisonniers étaient généralement tenus secrets, le Canal de la mer Blanche était une vitrine de propagande montrant des condamnés en train de se "reforger" par un travail utile. Toutefois, ce mensonge cachait une terrible vérité.
Selon les registres officiels et les récits figurant dans les ouvrages d'Alexandre Soljenitsyne, entre 12 000 et 240 000 ouvriers sont morts pendant la construction du canal, inauguré en 1933. La photo montre la tombe d'un prisonnier ayant travaillé sur le chantier.
Sur cette photo, on voit Staline et des officiels du Kremlin lors de l'ouverture officielle du canal, le 2 août 1933.
Le zèle du dictateur soviétique à exploiter le travail des prisonniers comme un symbole très visible de développement, a fait que les ouvriers et les ingénieurs n'ont jamais eu le temps, l'argent ou les équipements nécessaires pour construire un canal suffisamment profond et sûr pour transporter les cargaisons du 20ème siècle. Du coup, la voie navigable n'a jamais joué de rôle significatif dans le commerce ou l'industrie soviétique.
Le milieu et la fin des années 1930 ont représenté la période de la Grande Terreur de Staline, une campagne de répression politique en Union soviétique, également connue sous le nom de Grande Purge. Des milliers de personnes en ont été victimes, notamment des fonctionnaires du parti communiste et de l'Armée Rouge, des membres de la fonction publique et des paysans "relativement riches" (koulaks). Beaucoup ont été envoyés à Vorkoutlag (photo), l'un des plus tristement célèbres goulags soviétiques.
Vorkoutlag était l'un des plus grands camps de tout le système du Goulag. Il était situé à Vorkhouta, juste au nord du Cercle Polaire Arctique, dans la République de Komi.
Créé en 1932 avec le début de l'exploitation du charbon, le camp de Vorkoutlag a hébergé des dissidents, des prisonniers politiques, des "ennemis d'État" et des criminels de droit commun. Il a également servi de camp de prisonniers de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ici, des femmes détenues se reposent dans leur cabane du camp de Vorkoutlag. Les Purges de Staline ont fait que de nombreux camps n'ont pas pu faire face à l'afflux massif de prisonniers.
Le système du Goulag de Vorkuta comprenait environ 132 sous-camps. À son apogée, en 1951, celui de Vorkoutlag abritait à lui seul 71 000 prisonniers.
Les femmes ont beaucoup souffert dans le Goulag. Les hommes, employés du camp, gardiens, ou prisonniers, battaient ou abusaient sexuellement des détenues. Certaines femmes choisissaient des "maris de camp" pour se protéger et se tenir compagnie.
De même, la production de céramiques et de meubles mettait à profit les compétences des menuisiers et des potiers emprisonnés.
De nombreux prisonniers du Goulag sont morts de froid, car fatigués, faibles et mal vêtus. Ils n'étaient pas équipés pour travailler par des températures négatives. Sur cette photo, on voit des hommes dans la région de Sibérie orientale, près de Verkhoïansk. La température la plus basse jamais enregistrée ici est de -68°C!
Joseph Staline est décédé le 5 mars 1953. À sa mort, une amnistie est accordée aux personnes condamnées pour des délits mineurs, mais les prisonniers politiques sont complètement oubliés (une nouvelle qui atteint les coins les plus reculés de l'archipel du Goula).
Le soulèvement du camp de Vorkoutlag de 1953, qui a eu lieu peu après la mort de Staline, a d'abord pris la forme d'une marche passive des prisonniers qui protestaient contre les conditions de vie dans les camps. Elle est ensuite devenue violente et a été brutalement réprimée. Mais le sort en était jeté. La même année, une grève similaire a eu lieu au Goulag de Norillag, dans ce qui est devenu le soulèvement de Norilsk. La photo montre S. Golovko, prisonnier du Goulag de Norilsk et participant à la révolte.
Cette affiche de propagande de 1938 dit : "Le travail à chaud fera fondre votre peine de prison!". Mais en 1954, le nouveau dirigeant soviétique, Nikita Khrouchtchev, avait ordonné la révision de près de quatre millions de cas de crimes politiques dans ce qui fut connu sous le nom de "dégel de Khrouchtchev". Le système des goulags est finalement aboli en 1957. Toutefois, la répression des dissidents s'est poursuivie, de nombreux opposants politiques ont été arrêtés et ont purgé leur peine dans des conditions terribles.
Le dissident le plus célèbre de l'ère soviétique était Alexandre Soljenitsyne. Critique franc de l'Union soviétique et du communisme, il a passé huit ans dans un camp de travail (photo), puis en exil intérieur pour avoir critiqué Joseph Staline dans une lettre privée. Il a été libéré de l'exil en 1956. Son livre "L'Archipel du Goulag", publié en 1973, relate sa propre expérience de prisonnier du Goulag et reste l'un des récits les plus fiables de la vie dans le système du Goulag.
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Sources: (Gulag Online) (Hoover Press) (Gulag History) (Gulag Map) (Britannica) (Seventeen Moments in Soviet History)
De vastes "archipels" de camps s'étendant à travers la Sibérie se sont développés sur les sites d'ambitieux projets économiques, et ont fourni une source de main-d'œuvre pratique. L'un de ces projets était la construction du Canal de la mer Blanche.
Le terme GOULAG est un acronyme apparu en 1930 pour Glavnoïé OUpravlénié LAGuéreï, qui signifie "Administration principale des camps". Le Goulag était l’organisme central gérant les camps de travaux forcés en Union soviétique, sous les ordres de Vladimir Lénine.
Le Goulag était l'agence gouvernementale chargée du vaste réseau soviétique de prisons et de camps de travail, qui a vu le jour peu après la prise du pouvoir par les bolcheviks en Russie, en 1917. Atteignant son apogée sous le régime de Staline, des années 1930 au début des années 1950, le Goulag est devenu synonyme de misère, de meurtre et de terreur.
Le système du Goulag a été aboli en 1957, mais seul son nom évoque encore la peur et la répression qui ont sévi en Union soviétique pendant la première moitié du 20ᵉ siècle. Pour en apprendre plus sur ce sombre passé, cliquez sur cette galerie.
Entre survie et souffrance : la vie dans les goulags soviétiques
Découvrez les camps de travaux forcés et la vie des prisonniers en Sibérie
LIFESTYLE Goulag
Le Goulag était l'agence gouvernementale chargée du vaste réseau soviétique de prisons et de camps de travail, qui a vu le jour peu après la prise du pouvoir par les bolcheviks en Russie, en 1917. Atteignant son apogée sous le régime de Staline, des années 1930 au début des années 1950, le Goulag est devenu synonyme de misère, de meurtre et de terreur.
Le système du Goulag a été aboli en 1957, mais seul son nom évoque encore la peur et la répression qui ont sévi en Union soviétique pendant la première moitié du 20ᵉ siècle. Pour en apprendre plus sur ce sombre passé, cliquez sur cette galerie.