Nous savons quasiment immédiatement, hormis quelques exceptions, si nous trouvons quelque chose à notre goût, ou non. Cela peut être lié à l'odeur par exemple, ou à une préférence personnelle pour le salé (ou le sucré). Que se passe-t-il lorsque l'odorat et le goût se rencontrent ? Cela résulte en ce mystérieux concept qu'est la saveur. Nous la prenons généralement pour acquise, mais son intangibilité la rend difficile à conceptualiser par les scientifiques, qui ne parviennent pas à trouver un consensus quant à sa définition exacte. Ce qui nous fait nous poser la présente question : la saveur est-elle une simple tromperie de notre cerveau ? Ou est-ce à la fois une illusion et un sens ? Cliquez sur la galerie pour le découvrir.
Le goût intervient en premier lorsque nous croquons dans une fraise, mais autre chose survient dans la foulée : la saveur caractéristique du fruit.
La saveur est un concept sur lequel il est difficile de mettre des mots. C'est pourtant ce qui nous permet de différencier une myrtille d'une framboise.
Même les yeux fermés, de nombreuses perceptions vont se combiner pour créer la saveur. Mais est-ce une perception réelle ou illusoire ?
Les scientifiques tombent au moins d'accord sur ce que la saveur n'est pas : ce n'est pas un sens à part entière comme le goût. Cependant, aucune définition consensuelle n'a encore été trouvée.
Certains scientifiques avancent que la saveur n'est que le résultat de notre cerveau qui, à partir de l'odeur et du goût des aliments et des boissons, va créer une sensation de saveur.
D'autres avancent que la saveur découle d'une association de l'arôme, du goût et de la texture des aliments.
Cependant, selon les travaux scientifiques expérimentaux, la saveur est un concept plus grand encore. La maître de conférence en science de l'alimentation à l'université d'Aarhus au Danemark, Qian Janice Wang, avance ceci : "je pense que la saveur implique également la vue et l'ouïe."
La neuroscientifique à l'université de Yale, Dana Small, n'est pas fermée à l'idée que le son émis par les aliments peut jouer un rôle dans la saveur.
Est-il réellement possible que le son produit par un aliment, par exemple qu'un bruit d'aliment croustillant, puisse impacter directement notre perception de sa saveur ?
Cependant, Dana Small rejette l'idée que le sens de la vue puisse être une composante inhérente de la saveur. Si la couleur d'un aliment peut avoir un impact sur notre propension à le manger, elle n'aura pas d'impact sur notre expérience sensorielle une fois dans la bouche.
Au début des années 2000, le scientifique Gordon Sheperd a fait une grande découverte sur l'odorat qui a révolutionné les neurosciences. Sa découverte a mené à la création d'une nouvelle branche appelée la neurogastronomie : Gordon Sheperd postule que "la saveur est une création du cerveau".
Si c'est bien le cas, la saveur n'a aucune propriété intrinsèque : la saveur fonctionnerait alors comme les couleurs. Les objets n'ont pas de couleur propre, ce que nous percevons comme étant du rouge, du jaune, du bleu, etc. est le résultat de la réflexion de la lumière sur l'objet en question. C'est ainsi l'interconnexion de notre cerveau qui est en cause dans le mécanisme de perception des couleurs.
Notre langue a des récepteurs particuliers qui sont responsables des sensations impliquées dans le goût. Lorsque notre expérience gustative devient plus complexe, c'est la saveur qui entre en jeu, et non le goût.
Le maître de conférence en science de l'alimentation, Robin Dando, qui travaille à l'université de Cornell, explique : "Quand quelqu'un dit que quelque chose a bon goût, il veut généralement dire que la saveur est bonne et que ses propriétés sensorielles sont agréables."
C'est une confusion souvent commise lorsque nous évaluons la qualité d'une denrée alimentaire. La réalité physiologique du goût est sans commune mesure avec la complexité de la notion de saveur.
Il y a des centaines de récepteurs dans la muqueuse nasale, ces récepteurs sont connus sous le nom d'épithélium olfactif. Ces récepteurs sont largement responsables de la manière dont la saveur est perçue.
Lorsque l'on dit qu'un aliment a "bon goût" (puisque l'on a l'impression que la sensation vient de la bouche), c'est en réalité notre odorat qui entre en communication avec le cerveau.
En mâchant les aliments, des composantes volatiles s'en échappent. Elles s'évaporent alors dans le fond de nos cavités nasales, c'est-à-dire au point de rencontre entre les cavités buccale et nasale.
Lorsque nous mangeons, nous expirons par le nez. De la sorte, les composantes chimiques des aliments de la cavité nasale sont envoyées tout droit vers l'épithélium olfactif.
Étonnamment, nous partageons ce procédé biologique avec les drosophiles ("mouches à fruits", ou "mouches à vinaigre"). Ce petit insecte peut ainsi nous aider à comprendre le fonctionnement du cerveau humain dans le mécanisme de perception des saveurs.
Bien que nos connaissances en la matière demeurent limitées, nous savons que sans odorat, les saveurs deviennent plus fades.
Les personnes qui perdent leur capacité à percevoir les saveurs décrivent que leur expérience gustative est semblable à une image en noir et blanc, à quelque chose de peu attirant. Cela est dû à la perception illusoire des saveurs.
Nos perceptions sont en réalité une distorsion de la réalité. Nous interprétons des perceptions la plupart du temps, sans nous en apercevoir.
Les illusions d'optique que l'on retrouve dans les livres d'enfants sont une excellente illustration de comment notre perception cognitive peut nous présenter une réalité transformée.
Lorsque nous regardons la télé, nous entendons le son des voix comme s'il sortait directement de la bouche des interlocuteurs. Pourtant, nous savons très bien que le son sort des haut-parleurs, mais notre cerveau s'arrange avec la réalité, de sorte que toutes les données sensorielles convergent.
Le fait que nous ayons l'impression que notre perception du goût vient de notre bouche résulte d'un tour assez similaire joué par notre cerveau.
Ce que nous prenons pour une aversion gustative est en réalité une aversion à la saveur qui nous permet d'éviter de consommer des aliments toxiques.
La simultanéité de la perception des données sensorielles entre les récepteurs gustatifs et olfactifs est la raison pour laquelle notre cerveau nous fasse passer le message que toutes les sensations viennent du même endroit.
Ce phénomène est une illusion gustative. Ce tour que nous joue notre esprit nous permet de pouvoir "goûter" (ou plutôt, de savourer) nos parfums favoris.
Sources : (National Geographic)
Découvrez aussi : Agnosie visuelle : lorsque le cerveau ne traite pas ce que l'on voit
Question de saveur : le goût est-il un sens illusoire ?
Le cerveau vous trompe-t-il ?
CUISINE Goût
Nous savons quasiment immédiatement, hormis quelques exceptions, si nous trouvons quelque chose à notre goût, ou non. Cela peut être lié à l'odeur par exemple, ou à une préférence personnelle pour le salé (ou le sucré). Que se passe-t-il lorsque l'odorat et le goût se rencontrent ? Cela résulte en ce mystérieux concept qu'est la saveur. Nous la prenons généralement pour acquise, mais son intangibilité la rend difficile à conceptualiser par les scientifiques, qui ne parviennent pas à trouver un consensus quant à sa définition exacte. Ce qui nous fait nous poser la présente question : la saveur est-elle une simple tromperie de notre cerveau ? Ou est-ce à la fois une illusion et un sens ? Cliquez sur la galerie pour le découvrir.