Pendant une grande partie de l'histoire des démocraties, la loi martiale a été une arme à double tranchant. Alors qu'elle est invoquée comme une protection contre le chaos, elle entame souvent profondément le tissu de la démocratie et les libertés mêmes des civils. C'est une mesure qui remplace le débat par des décrets, les bulletins de vote par des bataillons et les droits par des restrictions. Pour de nombreux pays, il s'agit d'un chapitre sombre de leur histoire ; pour la Corée du Sud, c'est maintenant un présent qui donne à réfléchir.
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La loi martiale, instaurée en cas de crise majeure, suspend temporairement les lois civiles et transfère le pouvoir à l'armée. Elle est mise en place lorsque les autorités civiles sont jugées incapables de rétablir l’ordre.
Les gouvernements peuvent instaurer la loi martiale en réponse à des crises telles que des guerres, des révoltes ou des catastrophes naturelles. Souvent présentée comme un ultime recours, cette mesure vise à prévenir l’effondrement social, protéger la sécurité nationale ou neutraliser des menaces perçues par l’État.
Lorsque la loi martiale est décrétée, la gouvernance civile, y compris les processus législatifs et judiciaires, est mise en suspens ou annulée. L'autorité passe entre les mains de l'armée, qui impose généralement des mesures strictes telles que des couvre-feux, la censure et des restrictions des libertés individuelles, visant à rétablir et maintenir l'ordre.
La loi martiale suspend essentiellement les droits fondamentaux, tels que la liberté de réunion et d'expression, afin d'assurer l'application stricte de la loi. Elle permet aux gouvernements de détenir des individus sans mandat d'arrêt, de réprimer toute forme de dissidence et de privilégier les impératifs militaires au détriment des processus démocratiques.
Bien que son objectif soit de rétablir la stabilité, la loi martiale suscite fréquemment des tensions, notamment lorsque les civils redoutent des dérives autoritaires. Elle est perçue comme une mesure extrême pouvant compromettre la confiance du public envers le gouvernement.
Le 3 décembre, le président Yoon Suk Yeol a instauré la loi martiale d'urgence en Corée du Sud, accusant l'opposition d'être "antiétatique" et de sympathiser avec la Corée du Nord. Cette décision, marquée par son audace, visait à contenir les tensions politiques croissantes et à réduire l’ingérence du Parlement dans les affaires publiques.
La déclaration de loi martiale par le président, une première depuis l’instauration de la démocratie en Corée du Sud en 1987, ravive le souvenir de la loi martiale de 1979 et suscite des inquiétudes sur un possible retour à l’autoritarisme.
Fait surprenant, la déclaration de la loi martiale a été critiquée non seulement par le parti démocrate d'opposition (photo), mais également par les dirigeants du parti conservateur "People Power" du président Yoon.
L'armée a suspendu le parlement et interdit les réunions politiques jugées déstabilisatrices. Elle a également ordonné aux médecins en grève de reprendre le travail sous peine d'arrestation.
La législation sud-coréenne stipule que la loi martiale peut être annulée par un vote parlementaire. Cependant, les efforts des dirigeants de l'opposition pour rassembler les législateurs afin qu'ils votent contre cette déclaration ont été entravés par la police, qui leur a interdit l'accès à l'Assemblée nationale.
Dans un discours télévisé, le président Yoon a défendu la loi martiale comme essentielle pour prévenir l’effondrement du pays. Il a promis d'éliminer les "forces antiétatiques" et demandé aux citoyens de supporter des désagréments temporaires pour garantir la stabilité nationale.
La déclaration de la loi martiale a plongé la Corée du Sud dans un territoire inconnu, avec des restrictions imposées par l'armée qui remettent en question les principes démocratiques. Toutefois, ce n’est pas le premier pays dans l’histoire à avoir pris une telle mesure.
Les États-Unis ont proclamé la loi martiale pendant la guerre de Sécession, notamment dans les États frontaliers, pour réprimer les partisans confédérés. Elle a également été brièvement instaurée à Hawaï après l'attaque japonaise de Pearl Harbor pendant la Seconde Guerre mondiale, ainsi qu'à Chicago après le grand incendie de 1871.
En 1970, le Canada a instauré la loi martiale pendant la Crise d'octobre pour faire face à la menace terroriste du FLQ (Front de libération du Québec), un groupe séparatiste québécois. Cette mesure a donné au gouvernement des pouvoirs élargis, permettant la détention de centaines de personnes sans inculpation, dans le but de calmer les inquiétudes face à une possible escalade de la violence.
Le Pakistan a imposé la loi martiale à plusieurs reprises, notamment sous le général Ayub Khan en 1958 et le général Zia-ul-Haq (photo) en 1977. Ces proclamations ont généralement entraîné la suspension des constitutions et la centralisation du pouvoir militaire pour répondre à l’instabilité politique.
La Thaïlande a instauré la loi martiale à plusieurs reprises en raison de son histoire marquée par l'instabilité politique et les coups d'État. En 2014, l'armée a décrété la loi martiale pour réprimer les manifestations et rétablir l'ordre, ce qui a finalement conduit à la formation d'une junte militaire.
En 1989, la Chine a instauré la loi martiale à Pékin pour réprimer les manifestations pro-démocratie sur la place Tiananmen. La répression militaire qui a suivi, incluant le tristement célèbre massacre, a marqué un sombre chapitre de l'histoire contemporaine de la Chine.
Le Myanmar (Birmanie) a souvent instauré la loi martiale, notamment après le coup d'État de 2021. Les militaires l'ont justifiée en évoquant des fraudes électorales, l'utilisant pour réprimer la dissidence et renforcer leur contrôle sur le pouvoir.
En 1981, le gouvernement communiste polonais a instauré la loi martiale pour écraser le mouvement Solidarité, un syndicat indépendant réclamant des réformes. Le régime militaire a imposé des couvre-feux, censuré les médias et arrêté les leaders de l'opposition afin de maîtriser les troubles.
Après le coup d'État de 1973 qui a renversé le président Salvador Allende, le nouveau dirigeant, Augusto Pinochet (photo), a proclamé la loi martiale. Il a utilisé cette mesure pour réprimer l'opposition politique et instaurer une dictature qui a duré près de vingt ans.
Au début des années 1930, la loi martiale a été instaurée dans certaines régions d'Allemagne pour maîtriser les troubles civils liés à l'effondrement de la République de Weimar. Bien que temporaires, ces mesures ont affaibli les institutions démocratiques et ouvert la voie à l'ascension d'Adolf Hitler.
Sources : (Encyclopedia Britannica) (First Alert 4) (CNN)
Voir aussi : Pourquoi la démocratie est mathématiquement impossible
Quels pays ont déclaré la loi martiale ?
Une décision démocratique qui semble anti-démocratique
LIFESTYLE Coup d'état
Pendant une grande partie de l'histoire des démocraties, la loi martiale a été une arme à double tranchant. Alors qu'elle est invoquée comme une protection contre le chaos, elle entame souvent profondément le tissu de la démocratie et les libertés mêmes des civils. C'est une mesure qui remplace le débat par des décrets, les bulletins de vote par des bataillons et les droits par des restrictions. Pour de nombreux pays, il s'agit d'un chapitre sombre de leur histoire ; pour la Corée du Sud, c'est maintenant un présent qui donne à réfléchir.
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