Les psychédéliques sont réputés pour induire des hallucinations. Depuis plus d'un siècle, les scientifiques s'attachent à comprendre cette réaction chimique et les secrets qu'elle pourrait révéler sur les circuits du cerveau.
Désormais, une nouvelle hypothèse émerge, liée à l'évolution. Les hallucinogènes, comme le LSD, sembleraient perturber les mécanismes de filtrage naturels du cerveau, laissant place à l'amplification de signaux aléatoires. Une découverte fascinante qui éclaire d'un jour nouveau le fonctionnement de l'esprit humain.
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Heinrich Klüver, un jeune psychologue spécialisé en perception à l'université de Harvard, a expérimenté les psychédéliques sur lui-même dans le cadre d'une étude sur les hallucinations visuelles.
Heinrich Klüver a ingéré un bouton de peyotl, issu d'un cactus séché, et a ensuite consigné les modifications observées dans son champ visuel.
Il a observé des motifs qui lui rappelaient les peintures de Joan Miró et même l'art rupestre ancien. Il a classé ces formes en quatre catégories : tunnels, spirales, treillage et toiles d'araignée.
Un demi-siècle plus tard, Jack Cowan, chercheur à l'université de Chicago, a entrepris de reproduire ces motifs de manière mathématique, convaincu que cela pourrait offrir un éclairage précieux sur les circuits du cerveau.
En 1979, Jack Cowan a révélé que "l'activité électrique des neurones dans la première couche du cortex visuel pouvait être directement traduite en formes géométriques que les personnes perçoivent typiquement sous l'effet de psychédéliques".
Concrètement, cela signifie que, selon Jack Cowan, les hallucinations seraient le reflet direct du réseau neuronal du cerveau.
La théorie de Jack Cowan est liée à ce que l'on appelle les "structures de Turing". Dans les années 1950, le mathématicien Alan Turing (en photo) a émis l'hypothèse que les motifs répétitifs observés dans la nature seraient liés à un mécanisme mathématique.
Des recherches récentes menées par le physicien Nigel Goldenfeld prolongent les travaux de Turing, affirmant que ce mécanisme serait à l'origine des formes géométriques observées lors d'hallucinations.
En somme, les motifs que nous percevons sont le résultat de l'excitation des neurones dans le cortex visuel. La lumière se reflète sur les objets que nous observons. Lorsque l'image pénètre dans nos yeux, la rétine la focalise.
La rétine (en photo) est tapissée de cellules appelées photorécepteurs, qui captent la lumière absorbée et la convertissent en signaux électrochimiques.
Ces signaux cheminent jusqu'au cerveau, stimulant les neurones du cortex visuel. Autrement dit, ce que nous percevons lors d'hallucinations résulte de motifs de lumière reflétés par les objets autour de nous, combinés à un "déclenchement aléatoire de neurones dans le cortex".
Dans le cerveau, le nombre de neurones qui s'activent de manière aléatoire fluctue. Lorsqu'un neurone inhibiteur s'active, il provoque l'arrêt de l'activité des neurones voisins.
Selon les chercheurs, les connexions entre les neurones inhibiteurs sont étendues, même lorsqu'elles sont peu nombreuses. Ainsi, si ces neurones s'activent plus rapidement que les signaux aléatoires, c'est à ce moment-là que les structures de Turing apparaissent.
Les hallucinogènes, comme le LSD et les champignons psychédéliques, semblent perturber les mécanismes de filtrage habituels du cerveau. Cette interférence amplifie les connexions inhibitrices à longue portée, renforçant également les signaux aléatoires, ce qui accentue l'effet Turing.
L'évolution a façonné une structure neuronale spécifique permettant d'empêcher les hallucinations de se produire en permanence.
Cette adaptation joue un rôle essentiel pour l'être humain, en nous aidant à différencier un danger réel, comme un serpent, d'une simple forme géométrique.
Si le cortex avait évolué avec davantage de connexions à longue portée, il nous serait beaucoup plus difficile de distinguer les formes des objets concrets.
Notre cerveau aurait alors tendance à créer des motifs plutôt qu'à traiter l'ensemble des informations visuelles que nous percevons.
Une expérience menée sur des modèles a montré que des motifs spontanés ne se forment pas naturellement, à moins d'y être contraints. C'est précisément ce qui se produit sous l'effet des hallucinogènes.
Le philosophe Jean-Paul Sartre a lui-même expérimenté les hallucinogènes et a constaté que sa perception visuelle pouvait rester altérée pendant plusieurs semaines.
Jean-Paul Sartre a rapporté avoir vu des horloges déformées prenant l'apparence de hiboux. Il a également décrit des crabes qui semblaient le suivre en permanence pendant ses hallucinations.
Ces visions sont bien plus complexes que les catégories définies par Heinrich Klüver. Cela s'expliquerait par l'activation de fonctions cognitives supérieures, pouvant inclure des souvenirs.
À mesure que les hallucinations se complexifient, le cerveau tente désespérément de donner un sens à ce qu'il perçoit.
Les chercheurs avancent que ces hallucinations plus élaborées font émerger des souvenirs spontanés, alors que les régions supérieures du cerveau s'activent davantage.
Heinrich Klüver a rapporté que certains de ses sujets d'étude faisaient également l'expérience de ce que l'on appelle des "hallucinations tactiles".
Les hallucinations tactiles se manifestent par des sensations illusoires, comme la perception de toiles d'araignée glissant sur la peau des sujets, par exemple.
D'autres chercheurs pensent que le motif en toile d'araignée, souvent perçu visuellement lors des hallucinations, pourrait également activer le cortex somatosensoriel (en violet sur l'image), générant ainsi une expérience tactile.
Ce type d'expérience hallucinatoire peut également s'étendre aux hallucinations auditives, ce qui pourrait expliquer des phénomènes comme les acouphènes.
Ce qui rend cette découverte si révélatrice dans un contexte scientifique, c'est que la théorie de l'hallucination appliquée aux expériences visuelles pourrait également s'étendre aux autres sens.
Sources: (Quanta Magazine)
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Les psychédéliques sont réputés pour induire des hallucinations. Depuis plus d'un siècle, les scientifiques s'attachent à comprendre cette réaction chimique et les secrets qu'elle pourrait révéler sur les circuits du cerveau.
Désormais, une nouvelle hypothèse émerge, liée à l'évolution. Les hallucinogènes, comme le LSD, sembleraient perturber les mécanismes de filtrage naturels du cerveau, laissant place à l'amplification de signaux aléatoires. Une découverte fascinante qui éclaire d'un jour nouveau le fonctionnement de l'esprit humain.
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